Pour commencer cette rubrique, voici un document de 1728
sur la chaux,
tiré d'un article de la revue
Maisons Paysannes de France, n° 3/74 et 4/74 :
ARCHITECTURE MODERNE ou L' ART DE BIEN BATIR
pour toutes
sortes
de
personnes, tant pour les particuliers que pour les palais chez Claude Jombert,
rue Saint Jacques, avec approbation et privilège du Roy
LA CHAUX,
COMMENT ON CONNAIT SA BONTE,
ET DES DIFFERENTES MANIERES DE L'
ETEINDRE
La meilleure chaux est celle
qui est faite de pierres extrêmement dures, en sorte que la chaux faite avec
marbre et cailloux est beaucoup plus grasse et plus gommeuse que celle qui est
faite avec des pierres ordinaires ; il y en a qui font de la chaux avec
des coquilles d'huîtres, et on estime qu'elle est fort bonne pour bâtir dans
les lieux qui sont proches de la mer.
La couleur ne fait rien à la bonté
de la chaux, la plus légère est la plus estimée ; quand on frappe un morceau de bonne chaux,
il doit sonner comme un morceau de terre bien cuite.
On connaît que la chaux est bien
cuite, quand elle ne pèse pas plus que le tiers de la pierre avant d'être mise
au four ; on peut aussi connaître sa bonté en la mouillant, si elle jette
une fumée épaisse et qu'elle s'attache au rabot, c'est une marque qu'elle est
bonne.
L'expérience a fait connaître que
le feu de charbon de terre était plus propre que le bois pour cuire la pierre à
chaux.
Plusieurs assurent que la pierre à
chaux concassée, fait un meilleur mortier avec la chaux faite de la même pierre
que ne ferait le meilleur sable même que ne ferait le ciment.
La chaux qui est en poudre n'est
pas bonne, il faut choisir celle qui est en pierre les plus grosses et les plus
solides.
MANIERE
D'ETEINDRE LA CHAUX
Excepté les eaux des marais et les
eaux bourbeuses, toutes sortes d'eaux sont bonnes pour éteindre la chaux les anciens ne voulaient pas qu'on se servit
d'eau de mer, cependant l'expérience a fait connaître qu'elle était bonne et
que le mortier en séchait plus vite.
Il y a plusieurs manières de
détremper la chaux, on doit y faire beaucoup d'attention et prendre garde que
les ouvriers y mettent la quantité d'eau nécessaire, car il arrive qu'elle ne
peut se conserver faute d'une bonne opération, puisque le trop d'eau la noye et
que le trop peu la brûle ; la manière la plus commune, est de mettre les
pierres dans un bassin plat fait sur la terre pour cet effet, et qui doit être
bordé de pierres et de sable ; on y verse ensuite un peu d'eau au-dessus,
et à mesure que l'eau se boit dans la chaux, on y en verse d'autre, jusqu'à ce
que la chaux soit toute fondue ; enfin, l'on y verse assez d'eau pour la
pouvoir achever de détremper en la remuant avec le rabot, et quand elle est
bien détrempée, on la laisse couler dans une fosse faite exprès pour la
conserver ; on peut la détremper à plusieurs reprises, et en remplir la
fosse, puis quand la chaux détrempée aura pris un peu de fermeté, on la
couvrira de sable pour la garder ; on s'en servira ensuite quand on
voudra ; elle se conserve par ce
moyen plusieurs années sans perdre la force.
Il y en a qui détrempent la chaux
ainsi qu'elle vient du four, avec de l'eau et un peu de sable, et en font une
masse pour garder ; puis quand ils veulent la mettre en oeuvre, ils y mettent
du sable davantage et le rebroyent bien fort, cette façon passe pour être
meilleure que la première, mais pour conserver à la chaux toute sa force et
toute la graisse aussi longtemps que l'on voudra et pour qu'employée elle
entretienne l'ouvrage plus longtemps que d'aucune façon, il faut la prendre
comme elle sort du four, la mettre dans une place bien unie, remplir cette
place à la hauteur de deux ou cinq pieds, après quoi on la couvrira également
partout de bon sable, environ à la hauteur d'un pied ou deux, ensuite on y
jettera une quantité d'eau assez considérable pour que le sable en soit bien
abreuvé et que la chaux puisse s'infuser par dessous, sans le brûler aucunement
(il arrive que le sable en se fendant donnait passage à la fumée et à la vapeur
de la chaux, il faudrait incontinent (aussitôt)
recouvrir cette fente avec d'autre sable) ; le sable et la chaux étant
bien mouillés et détrempés, toutes les pierres de la chaux se convertiront en
une masse de graisse qui sera si bonne que lorsque l'on voudra s'en servir au
bout de deux, quatre, six, dix et même vingt ans (puisqu'on a vu de la chaux
éteinte de cette façon se conserver plus de cinquante ans) on aura peine à en
tirer le rabot lorsqu'on la détrempera pour en faire du mortier, elle sera pour
lors comme du fromage à la crème, ce qui lui fera consommer une grande quantité
de sable : la chaux ainsi détrempée peut servir à tous les ouvrages où on
emploie ordinairement de la chaux, elle est particulièrement bonne aux
incrustations et elle ne mange point les peintures à fresques.
DU SABLE
Il se trouve tant d'espèces de sable qu'un volume ne suffirait
pas pour en décrire toutes les différentes qualités. On dira seulement ici que
le sable de la mer ne vaut rien pour faire mortier, quoiqu'à Palerme il se
trouve un endroit où il est fort bon ;
que le sable pour qu'il puisse faire de bon mortier doit être dénué de parties grasses et terreuses qui
l'empêchent de se lier avec la chaux ; pour cet effet le sable de rivières
rapides, ou de torrents est excellent : il se trouve en fouillant les
terres un sable qu'on nomme communément terrain, il y en a beaucoup en France
et dans les autres pays, il s'en trouve de gris, de rouge, de jaune et d'autres
couleurs, qui ne font rien à sa bonté que l'on connaît lorsque en le maniant il
fait du bruit, et qu'après avoir été manié, il ne laisse point de terre aux mains ;
éprouve encore sa bonté en le mouillant et le frottant sur du drap ou du linge,
qu'il ne doit pas salir comme le ferait la fange : on trouve aux environs
de Rome et de Naples une espèce de sable qu'on tire de terre
et qu'on appelle posolanne, qui est admirable pour faire du mortier et dont la
qualité est de durcir au fond de l'eau : si on veut examiner les grains de
sable, on trouvera que ceux qui sont transparents comme du verre
tel que notre
sablon d' Estampes et le grais (grès)
pilé ne peuvent pas faire une bonne liaison avec la chaux, il faut au contraire
qu'ils soient remplis de petits cailloux opaques comme de petits morceaux de
pierre ; c'est ce qui a fait dire à Léon
Baptiste Albert, que le meilleur de tous les sables est celui qui n'est
composé que de pierres dures rompues et cassées en miettes.
DU CIMENT
Le ciment dont on parle ici est celui dit "
ciment romain ". De par sa composition, il n'a rien de commun avec le
ciment comme on l'entend maintenant.
On se sert d'ordinairement de ciment dans les ouvrages de
conséquence et dans ceux par-dessus lesquels il doit passer de l'eau, le ciment
n'est autre chose que des briques, des tessons de pots de grais concassés en
des parties aussi déliées que des grains de sable de médiocre grosseur ;
mais il faut prendre garde qu'il n'y ait dans le ciment des briques et des
tuiles pourries ; il y en a qui, pour rendre le mortier plus fort et
plus solide , mêlent parmi
le ciment les
petites écailles de fer qui tombent
aux pieds des enclumes des
forgerons et des maréchaux.
DU MORTIER
Il se trouve de si bons sables et de si bonne chaux, qu'il
n'est pas absolument possible de déterminer au juste quelle quantité il faut
mettre de l'un ou de l'autre pour faire de bon mortier. On met ordinairement
deux tiers de sable sur un tiers de chaux ; quand le sable n'est pas bon,
on met moitié par moitié ; il y a trois manières différentes de faire le
mortier, la première est de le faire avec de la chaux éteinte sur le champ,
dans laquelle on corroye le sable ou le ciment et que l'on emploie incontinent, la seconde est d'employer la
chaux avec le sable quelques temps après qu'elle est éteinte ; la
troisième est de faire le mortier avec de la chaux éteinte depuis plusieurs
années ; il faut mettre très peu d'eau dans ces deux dernières manières de
faire le mortier, car à force de corroyer avec des rabots, il devient liquide
et il vaut mieux, que si l'on y mettait beaucoup d'eau qui
pourrait le noyer et l'empêcher de durcir par la suite.
Le mortier prendra fort promptement, si l'on y met on peu
d'urine et de l'eau où l'on aura fait détremper de la suie de cheminée.
Quant on mêle dans le mortier de l'eau où l'on a fait
dissoudre du sel ammoniac, il prend presque aussi promptement que du plâtre, ce
qui peut être d'une grande utilité pour les endroits où il n'y a pas de
plâtre ; nota que le mortier doit être plus liquide avec les pierres qui
boivent l'eau qu'avec celles qui sont de la nature du cailloux.
Pour les enduits qu'on fait avec le mortier et le ciment, il
faut observer de les battre à petits coups, tant qu'ils ayent pris une
consistance solide et l'on doit ensuite frotter la superficie avec la truelle
et l'y laisser jusqu'à ce que l'ouvrage soit un peu sec et uni ; il faut aussi couvrir l'ouvrage d'un peu de sable ou de quelques nattes de paille
à cause du hâle, parce qu'il faut que
le mortier sèche doucement ; il y en a qui frottent ces enduits avec de l'huile de lin ou de noix,
surtout dans les bassins où l'on doit mettre de l'eau ; Léon Baptiste
Albert dit que si on détrempe la chaux avec
de l'huile, elle
fera avec le
sable ou ciment un mortier
impénétrable à l'eau ; le meilleur mortier pour remplir les
jointures, les petites
fentes ou crevasses, se fait
avec de la cendre bien sacée (???), que l'on détrempe avec de l'huile de lin ou de
noix, dans quoi on mêle un peu de vert de gris, ce mortier devient si dur par la suite des temps et se lie si bien avec le
marbre, la pierre et la brique, que cela ne fait plus qu'une seule pierre.
Image tirée d'un ancien livre de chimie (1926) pour
l'enseignement primaire supérieur

Voici le type de four que l'on peut retrouver dans nos
campagnes
Généralement, le lieudit est "le four à
chaux" ce qui facilite les recherches
Vue de l'entrée basse, partiellement bouchée
:

Vue de l'intérieur :

Vue de l'entrée haute :
